Dirk Van Evercooren, président de l’AIB incite à la consommation d’électricité verte

par | Nov 20, 2019 | Interviews

Nous avons eu le plaisir d’interviewer Dirk Van Evercooren, président de l’AIB (Association of Issuing Bodies). Avec lui, nous revenons sur les missions de cette organisation et sur les avancées de la transition énergétique en Europe.

Bonjour, pouvez-vous vous présenter et nous parler de vos fonctions à l’AIB ?

Je m’appelle Dirk Van Evercooren et je travaille en tant que régulateur du marché de l’électricité en Belgique, à l’agence VREG. Il s’agit de mon activité principale. VREG est aussi désigné comme émetteur de GO en dans cette capacité, nous sommes membre de l’AIB. C’est pour cela que j’ai accepté d’être président de l’AIB qui est une position volontaire et bénévole. L’AIB est une association à but non lucratif européenne qui réunit les teneurs de registres de Garantie d’Origine dans 21 pays, responsables chacun d’un pays, ou d’une région en ce qui concerne la Belgique. Les pays sont tous membres de l’Union européenne ou de l’espace économique européen, ce qui inclut Norvège et Islande. La Suisse a également signé pour participer.

« L’échange de Garanties d’Origine entre les pays devenait complexe. »

La création de cette association découle du constat les pays commençaient à transposer les directives européennes encadrant le mécanisme des Garanties d’Origine dans leur législation nationale de manière très diverses. Chacun avait fait sa propre définition et l’échange de GO entre les pays s’est vite avéré complexe. Il fallait donc une certaine standardisation. La 1ère contribution de l’AIB est d’avoir standardisé de façon opérationnelle les échanges des GO. Désormais, on peut s’échanger dans la zone AIB des GO sans aucun souci. Pour faciliter encore davantage ces échanges de GO, nous avons créé un « hub », c’est une plateforme d’échange des GO qui permet de travailler plus efficacement, car les registres de tous les pays émetteurs sont interconnectés. Nous avons donc créé ce standard opérationnel appelé EECS, qui permet d’échanger des GO avec toute la zone AIB.

interview président AIB

En tant que président de l’AIB, pensez-vous qu’il existe un engouement pour les contrats d’électricité verte de la part des consommateurs ? Que ce soit en Europe, en France, Belgique.

C’est une question auquel on ne peut pas répondre de manière générale. C’est clair qu’un certain nombre de pays dans lesquels cette prise de conscience a été très élevée depuis quelques années, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique ainsi que d’autres pays nordiques. Je ne connais pas les chiffres de tous ces pays, mais prenons le cas de la Flandre, car c’est la région dans laquelle je travaille. On a ici plus de 40% des contrats des ménages et des entreprises qui sont verts ce qui est non négligeable ! Par contre j’ai l’impression que dans d’autres pays cette tendance est moins avancée, surtout chez les ménages et les PME. Cela dépend donc de circonstances locales. 

Pensez-vous que les GO sont un bon moyen de rémunérer les producteurs d’énergies renouvelables ?

C’est un thème extrêmement intéressant à discuter. Je crois que le mécanisme est là et je le soutiens à 100%. Une grande partie du travail de l’AIB consiste à rendre ce mécanisme fiable. On fait tout le nécessaire pour éviter les double-comptages par exemple. Et ça marche, le système est fiable et robuste dans la zone AIB. Mais est-ce un bon moyen pour rémunérer les producteurs ? Je pense que cela dépend des contrats que les producteurs négocient. C’est un marché de gré à gré. Le prix des GO est souvent gardé secret entre les parties. De plus, en prenant par exemple la Belgique, les producteurs ont été jusqu’ici beaucoup plus focalisés sur le système de support, le certificat vert, plutôt que de compter sur la GO.

« Le travail de l’AIB est de rendre le mécanisme des GO fiable. »

Il faut aussi constater que le prix des GO a beaucoup fluctué ces 18 derniers mois et donc pour le moment on ne peut pas dire que c’est une forme de financement qui est stable. Le prix a été au plus haut dans la 2ème partie de l’année passée, mais il a chuté assez fortement au début de cette année-ci. Ce n’est pas évident de faire un business en tant que producteur qui dépend de la valeur du GO si on a une fluctuation des prix tels que l’on a vu ces derniers mois. Mais maintenant que l’on a de plus en plus de technologies qui sont proches de la rentabilité sans support, la GO devient de plus en plus importante dans le business plan des producteurs.

AIB et transition énergétique européenne

Pensez-vous que les GO peuvent faciliter la transition énergétique ?

J’ai eu des contacts avec des ONG (WWF, Greenpeace) qui ont des doutes quant à l’intérêt des GO. Ils sont davantage attentifs au système des subventions directes plutôt qu’à un système de soutien par un marché volontaire. Néanmoins, la demande de GO augmente de plus en plus sous l’impulsion des problématiques climatiques et d’initiatives concrètes comme le RE-100. Cela va renforcer la pression sur le marché des GO. Tout cela va avoir un effet accélérateur sur les investissements.

« La demande de Garanties d’Origine augmente de plus en plus. »

On le voit déjà par exemple en Espagne et en Allemagne où sont construits maintenant des parcs solaires sans soutien public, mais uniquement sur base d’un contrat d’achat de longue durée qui inclue les GO. L’électricité du parc solaire pendant 10 ans va être utilisée par des consommateurs industriels. D’un côté il y a les GO qui prouvent aux consommateurs qu’ils utilisent l’électricité de ce parc solaire et en contrepartie il y a un flux financier qui permet de financer le projet. Donc les GO sont la pierre angulaire du projet qui peut se réaliser sans subventions. On fait la même chose avec les parcs off-shore éoliens aux Pays-Bas ! C’est une tendance de plus en plus remarquable.

Quels seraient pour vous les moyens les plus efficaces pour inciter les consommateurs à souscrire à des contrats d’électricité verte ?

L’AIB est plutôt une organisation qui s’occupe des aspects techniques. Nous ne sommes pas de grands communicateurs. Ce sont plutôt des organisations comme la vôtre qui font le travail de communication et nous sommes bien reconnaissants de vos efforts. Les débats sur le changement climatique permettent de donner un contexte qui déjà peut générer de l’intérêt. Si on veut faire quelque chose pour le climat et l’environnement, prendre un contrat d’électricité verte est un premier pas relativement facile. Il ne faut pas forcément changer son comportement comme dans le cas d’une décision de ne pas prendre l’avion. Et pourtant cette action a un impact significatif. Si nous l’expliquons bien, il me semble que cela peut accrocher pas mal de gens.

Une étude réalisée en Chine par Xie en 2018 indique que la transparence du gouvernement ainsi que la connaissance sur les énergies renouvelables sont des facteurs importants pour les consommateurs dans leur choix de consommation d’électricité verte. Qu’en pensez-vous ?

Je suis tout à fait d’accord. C’est pour cela que l’AIB s’est investi dans la rédaction d’une vision long terme quand on a vu qu’un nouveau paquet législatif européen en matière de l’électricité était en préparation. Au début de cette procédure législative, nous avons émis notre « Reflection paper ». Le principal sujet pour l’AIB est la transparence complète. Aujourd’hui nous utilisons des GO pour les énergies renouvelables et de manière anecdotique pour les sources de cogénération. Ce n’est pas suffisant pour le public. Imaginons maintenant que nous prenions cet instrument – qui a prouvé ses mérites amplement – et que nous l’appliquions à toutes sources d’électricité.

« Et si nous appliquions la Garantie d’Origine à toutes les sources d’électricité ? »

Là on obtient un système de transparence qui est beaucoup plus efficace. La vision de l’AIB est donc d’utiliser l’instrument des GO pour toute source d’électricité, ce qui permet de donner une information beaucoup plus claire afin de motiver le consommateur. Car si une facture détaille précisément le choix conscient du fournisseur de la source de l’électricité apportée, le pourcentage de charbon, de gaz, de renouvelable, de nucléaire, etc., nous pouvons plus facilement expliquer les impacts de la consommation sur l’environnement, notamment en termes de CO2.

En Flandre (Belgique) environ 44% de la consommation est couverte par des GO alors qu’en France c’est seulement 7%. Comment expliquez-vous ce taux en Belgique ?

Depuis quelques temps, la consommation d’électricité couverte par des GO attire l’attention de consommateurs. Pourquoi ? Jusqu’en 2011, il y avait un soutien indirect de l’État. Si les fournisseurs prouvaient que la fourniture d’électricité était d’origine renouvelable, une déduction fiscale s’appliquait sur la facture. Cette manoeuvre profitait surtout aux nouveaux fournisseurs d’électricité 100% verte, ce qui explique le nombre important de contrats verts sur le marché.

« Beaucoup de ménages ont été convaincus par l’intérêt de consommer vert. »

Du fait de la profusion d’offres vertes, le mécanisme est rapidement devenu insoutenable financièrement. Le gouvernement a donc décidé d’arrêter d’octroyer cette déduction fiscale. Ce qui est intéressant, c’est qu’entre-temps beaucoup de ménages ont eu une prise de conscience environnementale et ont été convaincus par l’intérêt de consommer de l’électricité verte, et pas seulement pour son faible coût. lls ont donc continué à souscrire un contrat vert. Il y a aujourd’hui aussi en Flandre beaucoup de ménages qui utilisent des achats groupés organisés par la communauté ou la province. C’est systématiquement de l’électricité verte qui l’emporte. Le fait que ce soit réalisé sous l’autorité d’une collectivité locale joue sûrement dans le fait d’être soucieux de montrer l’exemple. À ce moment beaucoup de contrats sont devenus verts.

 

Merci à Dirk Van Evercooren pour ce témoignage !
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